Le bar de la Tour, épisode 2
(Coucou les choukis, c'est Marine. Je sais qu'on a tous bien les morts en ce lundi matin. )
(J'espère que ce nouvel épisode vous mettra un peu de baume au coeur. Je vous fais des bisous, votez Front Populaire et lâchez rien okay ?)
Le premier épisode est à lire ici
Je ne me souviens pas combien de temps il m’a fallu pour oublier Simon. Peut-être qu’on n’oublie pas, finalement. On range ce beau souvenir et les jolis sentiments qui vont avec dans un coin de notre mémoire et on époussette de temps en temps. On en fait ensuite un roman-feuilleton disponible tout un été dans une newsletter quand les vaches sont maigres et que nos dernières histoires sentimentales sont dignes d’un roman de cul nul écrit par une intelligence artificielle.
De toute façon, une semaine et 2000 écoutes de la compilation Radio FG plus tard, j’étais au lycée, en internat, en compagnie de 5 autres supers meufs. Une nouvelle épopée en soi. Mon lycée en plus était un délire, les adolescents ressemblaient tous à des figurants d’Hartley Coeurs à Vif avec quelques mannequins dans la liste : vous aviez des potes signées chez Elite au lycée ? Moi oui, et bien que c’étaient des supers meufs, c’était pas ouf pour la confiance en soi quand on ressemblait à l’époque à une petite quenelle au brochet.
Cela ne m’empêchait pas de tomber amoureuse toutes les cinq minutes de tous les mecs charismatiques qui jouaient de la guitare, portaient des gros blousons militaires, des baggys et fumaient des roulés. Ils marquaient des paroles de Nirvana sur des eastpak en piteux état, écoutaient ACDC, les Ramones et puis Soundgarden.
J’étais fascinée par l’aisance qu’ils avaient tous d’être eux-mêmes, alors que je me battais chaque jour pour être quelqu’un d’autre. Il y en avait un, surtout, un terminale. Pour lui, j’aurais été capable de chanter tous les morceaux de Jeff Buckley en le regardant droit dans les yeux, comme une énorme creepos. Le type était coiffé comme Romain Duris et marchait dans la cour (et sur mon coeur) avec le même rythme que Magic Man de Heart, lui donnant à jamais des airs de Trip Fontaine dans le super Virgin Suicides de Sofia Coppola.
Bordel, cette démarche suintant le cool laissait vraiment sur son chemin des dizaines de petites meufs en seconde complètement secouées. Comme pour enfoncer le clou, il se baladait même parfois avec un skate, et je me rêvais en Farrah Fawcett, ridant avec lui vers les cieux de l’AMOUR. Les hormones, les petits potes, en 2001 elles savaient pas dire non aux types Vivelle Dop avec des cheveux se prenant pour des branches d’arbre.
Je n’avais évidemment pas ma chance. J’étais en seconde, un bouton récurrent sur le pli du menton, mes joues de bébé et une frange effilée à la Courtney Cox dans Scream faite par Chantal, toujours en activité 22 ans plus tard dans mon petit village du sud de la France. Avec du recul, je me demande si mes parents n’avaient pas conclu un deal avec elle pour que personne n’ait envie de me toucher. Bien joué. Ça a pas mal fonctionné.
Il a fallu donc mettre mes aspirations amoureuses dans un petit tiroir et de les ouvrir un peu plus tard, en rêvant secrètement que quelqu’un soit motivé, malgré la frange, malgré le bouton récurrent, et malgré mon envie de porter ce pantalon avec un dragon brodé.
Ça n’est pas arrivé au lycée.
Ça arriverait peut-être, un soir de février.
Cela devait être un samedi déjà très sombre, on regardait Ardisson demander si sucer c’était tromper avec ma mère quand le téléphone s’est mis à sonner.
-”Quoi ? Ok j’arrive, la police est déjà là ?”
Je tends l’oreille et mets mes chaussures. On vit pour le drama dans ma famille : je n’allais pas rater ça.
Elle raccroche et prends son sac à main :
- “Je dois monter rapidement, il y a eu un incident avec nos deux nouveaux stagiaires, ils ont subi une tentative de vol et l’un d’entre eux a frappé le type qui lui avait volé ses affaires.”
OH WOW. Cette soirée va être plus palpitante que prévu. J’ai déjà mes affreuses ART aux pieds, je suis parée pour y aller.
Arrivée à la Tour, je m’installe à l’accueil du Village Vacances : ma mère m’a donné des consignes : TU BOUGES PAS ET TU DIS RIEN. Elle retrouve la police et les deux types, entouré par les flics du village. Je l’entends temporiser la situation, comme elle le fait quand j’ai les cheveux de ma petite soeur dans la main (pardon Elo). Pendant ce temps, je me fais semblant de regarder mes pieds, comme si j’étais là par obligation : j’ai 15 ans, je viens ici pour les potins, pour avoir des trucs à raconter, pas pour me prendre un coup. Je finis par entendre ma mère dire à la police qu’elle gère la suite.
Ma mère, bordel, c'était vraiment quelqu’un.
Une fois que la voiture de la police municipale jarte du parking du village-vacances, elle reste un peu pour parler aux stagiaires, que je n’ai toujours pas vu : elle leur dit “oui, c’est ma fille”, et je me retrouve à devoir lever les yeux et dire bonjour.
Rien ne sort.
Bordel, j’ai le souffle coupé.
C’est qui ce type, et surtout,
Est-ce que je peux l’épouser ?
J’adore ! Déjà hâte de lire le prochain épisode 🤓