La randonnée c’est super. On prend du vert plein la figure et les narines, on marche, on en profite pour discuter longuement avec les copains, on se sent comme dans une brochure Center Parcs. J’en profite d’ailleurs, à l’image de Maeva Ghennam sur ses réseaux sociaux, pour faire un placement non rémunéré (et non demandé). Coucou les amours, vous êtes nombreux à me demander où je marche, et bien c’est grâce au site Rando Navigo, où vous pourrez trouver les meilleurs parcours accessibles en RER et autour de Paris. J’ai pas de code promo à vous proposer parce que c’est gratuit. Bisous.
Et puis arrivent les derniers kilomètres où on se caille les miches, que les jambes commencent à tirer, où on s’est aperçu qu’on avait - trop - raconté sa life à des gens qui ne souhaitaient pas en savoir autant et qu’on interdit (oui, c’est exactement ce que j’ai fait) à une de ses amies de retirer ses cailloux dans ses chaussures parce qu’on va rater le RER pour rentrer.
Donc, quand on arrive enfin dans la chaleur du transport en commun, le silence se fait. Tous les cinq, nous nous collons les uns aux autres, 3 face à la marche, trois à l’inverse, avec en compagnon de route une adolescente qui était là avant nous sur cette organisation de sièges 3 x 3. Elle se cale tout au fond de son siège et fait grave la gueule. C’est dimanche, elle est à Meaux, on doit sentir la transpi, j’aurais fait évidemment pareil.
Le train démarre et tout à coup, une jeune femme très belle au regard illuminé, avec sur les épaules une première tentative de tricot en laine khaki dégueulasse comme pull, décide de prendre la parole. Nous sommes le 7 janvier, elle souhaite nous apporter avec son sourire béat la parole du Seigneur en ce jour d’Epiphanie, rien que nous voyageurs de la ligne P. Tous ses potes derrière elle acquiescent, admiratifs du courage de la jeune femme ( c’est moi qui en est venu à cette conclusion, ils ne pouvaient de toute façon pas être admiratifs de son pull.)
La voilà qu’elle emplit l’espace sonore de sa joie prosélyte, et mon premier reflexe est de me cacher le visage comme les autruches en baissant mon bonnet sur l’intégralité de ma tête. J’ai aucun problème à faire des trucs honteux, mais voir les autres se ridiculiser…c’est dur. Son discours s’éternise. Bordel, si j’ai arrêté le cathé voilà 22 ans, ce n’est pas pour qu’il me ressaute dessus après une randonnée où j’ai énormément parlé de cul.
Elle termine son monologue et annonce rester à notre disposition si nous avons des questions. Puis Marie-Clothilde (on l’appellera comme ça) stagne avec ses potes en haut des marches pour débriefer son passage, tandis que sur nos sièges, les 5 trentenaires que nous sommes font de même. Nous trouvons tous ça gonflé de faire chier tout un wagon avec sa religion, c’est même pas la bonne date, l’Epiphanie c’était hier, chouette pour toi M-C si t’as trouvé la joie (et peut-être eu la fève) dans ta vie, moi pour le moment je ne suis tombée que sur la peur de la mort et la frayeur de l’hépatite B.
Et comme les cathos doivent avoir un “cathodar”, c’est à dire qu’ils doivent sentir ceux avec qui ils étaient coincés aux cours de préparation à la première communion en 1999 à 13 ans (tu lis la newsletter de quelqu’un qui a demandé à être baptisée adolescente pour pas aller au Purgatoire parce que ses parents n’étaient pas mariés, merci pour MARINE LA BATARDE), Marie-Clothilde nous alpague, et nous demande ce qu’on a pensé de sa prestation. Elle s’entraîne à prendre la parole en public et aimerait nos retours.
Mais on est où là ? C’est une caméra cathé cachée ou quoi ?
Je ne suis pas gênée par le conflit avec les gens que j’aime (j’adore ça, d’ailleurs bisous et allez tous vous faire cuire le cul), mais ceux avec des personnes que je ne connais pas me terrifie. Nous restons dans un silence gêné tous les 5, jusqu’à l’intervention de l’une d’entre nous, C., qui décide de l’enchainer plus rapidement que les pubs sur un spotify gratuit. Cette personne avec qui je partageais une galette sur une table de camping gelée voilà quelques heures est ma nouvelle héroïne. Elle n’a peur de rien : la dernière fois à l’aquagym elle a retoqué une vieille dame qui s’était incrusté entre nous en lui demandant ce qui lui prenait et de se pousser parce qu’on n’aurait pas la place de faire les mouvements. Franchement, C. a une aisance verbale qui me fascine autant qu’elle me fait rire.
Marie-Clothilde n’était venue que pour des feedbacks : elle se fait questionner sur la possibilité de dérive sectaire de son regroupement religieux (est-ce que C. vérifie en même temps sur le site de Miviludes les propos de la jeune femme ? Absolument), sur le fait qu’elle a fait chier tout un wagon qui demandait juste à rentrer à Paris Gare de l’Est, lui demande si elle aurait aimé subir ça d’un croyant d’une autre religion et ce que ça lui fait de faire du prosélytisme en 2023. La partie de ping pong est assez intense. Je regarde subjuguée cet échange, où on essaie de lui expliquer que, cool pour elle qu’elle ait trouvé la joie, nous on aimerait bien juste avoir la paix et Jeremy Allen White en petit boxer blanc de la pub Calvin Klein (ATTENTION c’est un anachronisme, la pub est sortie après mais je voulais absolument en faire mention dans Concombre, parce qu’elle reste la principale raison pour laquelle je ne suis pas aigrie en ce début d’année)
“You don’t own me” ? Oh je crois que si, Jeremy.
Et voilà qu’un Pierre-Eustache vient aider Marie-Clothilde, actuellement en difficulté. Boostée par la confiance de C., on finit tous et toutes par mettre notre petit grain de sel jusqu’à l’arrivée du train. Pierre-Eustache nous demande alors, dans un dernier élan, si il peut prier pour nous, et sur quel sujet. Je leur envie cet espoir dans les lendemains, la croyance dans quelque chose qui les attend. Personnellement, il ne me reste rien de mes années de chrétienne, à part la certitude que si il y a un Dieu, il nous déteste autant que Booba hait Magali Berdah. Je me surprends à le dire tout haut. Pierre-Eustache me demande alors mon prénom et me dit qu’il priera pour que, moi, Marine, regagne de l’espérance.
Bon courage champion, c’est aussi ce que fait mon daron.
C. finit par couper court à la conversation en leur annonçant qu’on a bien débriefé et que ça serait bien si ils pouvaient nous laisser. Peut-être que je suis encore aigrie en 2024, et que ça durera encore un bon moment. Peut-être que je ne crois plus en grand chose et que c’est bien tant pis pour ma gueule. Mais au moins je fais chier aucun wagon, et je me goure pas sur la date de l’Epiphanie : c’était bien un jour avant.