Don't speak
Samedi, 21h34, je rentre chez moi, couverte d'une honte que je me suis moi-même infligée.
Hier, j’ai compris pourquoi certaines personnes ne parlent pas pendant leurs rencards. Qu’elles cultivent le mystère en touillant leur café ou en acquiescant de temps en temps de la tête en roulant une mèche contre leur doigt.
C’est parce qu’elles sont connes.
NON. JE PLAISANTE.
ON NE JUGE PAS ICI !
J’ai émis quelques théories. Elles ne savent peut-être pas quoi dire. Elles doivent prendre du temps pour sortir une ou deux punchlines bien senties qui feront toutes la différence. Ou au contraire : elles se connaissent et elles savent qu’elles vont dire de la merde. Quelle chance. Car finalement, le savoir, c’est encore plus intelligent que de parler de la FNSEA ou de comment on chope le HPV (pas forcément par contact sexuel, vous le saviez ?)
Hier par exemple, je suis allée boire un verre avec un type. L’histoire ne vous le dira pas mais moi oui : vu comment ça s’est passé on ne va surement pas se revoir, parce que bon je sais pas ce qu’il cherche et en me repassant l’intégralité de la conversation dans ma tête (j’ai une très bonne mémoire), je ne pense pas qu’on sache tous les deux ce que je cherche moi aussi.
Bref.
Après avoir fait le tour des Mule (le Moscow, le London), et alors que la conversation allait bon an mal an (mais plutôt mal an, on va pas se mentir, c’était la galère), je me suis écoutée et j’ai eu envie de me baillonner. Je me suis dit :
Bon dieu de bordel. C’est pour ça que j’écris alors. C’est pour pouvoir me relire et corriger, parce que putain de merde, avec le débit de conneries que je sors au kilomètre, on n”aurait pas presque pas besoin de goudron pour les routes.
Franchement, dans certains contextes, je pense être une bonne interlocutrice. Une grosse pine pour les discussions d’ascenseur sur le temps et le fait qu’il y ait pas de saison, mais franchement, je sais relancer une conversation avec n’importe quel ami ou inconnu en deux trois questions bien pensées (et quelques verres dans le nez). Que penses-tu d’Emmanuel Macron ? Est-ce que tu arrives à toucher ton nez avec ta langue ? Crois-tu aux illuminatis ? Si tu étais une pizza, tu serais laquelle ? (une super question à poser en date proposée par Héloïse, une meuf très sympa que je salue si elle lit cette newsletter). La personne répond correctement ou pas, et on passe une bonne soirée ou si non, on va parler avec quelqu’un d’autre.
Mais en date. C’est une catastrophe. Même si le début se passe bien quand mon interlocuteur a la parole (et que je ne veux pas la reprendre), le moment vient toujours où il choisit de me poser une question ou de me retourner une des miennes.
Et là les petits potes, faut imaginer la tempête qui a fait que Noé il a du construire son arche. C’est l’équivalent d’un gros barrage qui pète pour noyer des villages, c’est le jet qui sort du tuyau des pompiers (titre), c’est le débit du karscher quand mon père décide de nettoyer sa façade. Moi je l’appelle :
******MA DIARRHÉE VERBALE******
Et franchement, c’est pas beau à voir. Un jour viendra où une personne qui aura entendu la conversation posera sa main sur mon épaule et me dira “il est temps que tu t’arrêtes non ? Tu t’es fait assez de mal comme ça. Allez je te raccompagne chez toi mais pitié ferme ta gueule”. Mais comme cette personne n’arrive pas, je prends une grande respiration, je deconnecte mon cerveau que je mets sur I’m Outta Love d’Anastasia et c’est parti.
Je pars sur une pensée, je reviens sur une autre, je crois que j’ai dit une connerie, je corrige, mais je sais plus où j’en suis, merde. Alors je fais une blague, il rit, alors je tente une autre blague, mais celle-ci va beaucoup trop loin, il y a un silence. Bordel. Pas le silence. Je pose la question pour savoir si il est de droite - mais ça va pas la tête - je panique, je fais une blague sur mon prénom, bah non, Marine, pas sur mon prénom, je mentionne mes seins, MAIS QU’EST CE QUI ME PREND HAAAAAAAH, je lui dis que si il veut se casser, il peut, MAIS FERME MA GUEULE, de toute façon j’ai pas l’intention de lui payer son verre, MAIS FAITES MOI TAIRE, et je rigole de manière bien sonore quitte à lui filer un coup de poing dans l’épaule.
JE LUI DONNE UN COUP DE POING DANS L’ÉPAULE !
Caporal Riri me hurle dans ma tête, SILENCE, SILENCE, ON NE TOUCHE À RIEN, et ça s’arrête pas, pia pia pi pia pia pia, je lui parle de ma soeur et tiens, pendant que j’y suis, je lui demande mon avis sur mon physique, MAIS QU’EST CE QUI ME PREND, est-ce qu’il y a un arbitre du date qui va me foutre un carton rouge et me prendre par l’oreille pour me sortir de ce bar pour rester sur un banc en face, non, faut que je me démmerde toute seule, faut que je me taise, il faut que je mette un point à une phrase, vite, et que j’arrête de parler ensuite.
Ça y est.
J’Y SUIS ARRIVÉE !
Ouf.
“Mais tu veux dire quoi par là”
NON. NON, REJOUE PAS BORDEL, ÇA FAIT SEPT MINUTES QUE JE PARLE J’AI PLUS RIEN À RAJOUTER.
Et je rejoue une mi-temps toute seule. J’en peux plus, je finis par me taper les mains sur les cuisses pour faire comprendre que je veux y aller : c’est le seul moyen de m’arrêter. Il faut que je m’en prenne physiquement à moi-même pour que ça s’arrête, vous imaginez ? JE VEUX PAYER, PARTIR ET ME REFAIRE TOUTE LA CONVERSATION DANS LE MÉTRO EN ME DEMANDANT
MAIS POURQUOI ?
POURQUOI JE PARLE AUTANT ?
C’est ce que j’ai fait dans la 11 sur le chemin du retour, mortifiée par ce que je venais de déblatérer.
Pourquoi je parle autant ? Je ne sais toujours pas.
Mais j’ai pas payé son verre non plus.
Je suis un sale rat.
Merci pour ce partage magique