Lundi dernier il n’y a pas eu de Concombre. J’ai dit à tout le monde que je n’avais pas eu le temps et c’était vrai. Le mercredi d’avant, j’avais eu apéro avec mes deux copains quadras supers, jeudi, un diner avec mes copines reboosteuses d’énergie, vendredi le pot de départ d’un petit soleil et samedi soir, l’anniversaire de cette copine tourbillon dont on ne peut plus se passer.
Du coup dimanche, alors que je partais en voyage d’affaires en Suisse (j’aime bien dire ça, c’est classe) je me suis dit, peut-être que c’est terminé. Il n’y aura plus jamais de Concombre. Ma vie est cool, mes amis sont des perles en forme d’humain, qui en a quelque chose à foutre de lire ça ? Voilà. C’est triste et joli : l’aigreur est partie, ça m’aura permis d’écrire 8 newsletters et je ne vais pas me plaindre que mon quotidien ressemble dorénavant au lever de soleil à Astropolis en 2013 sur Time des Pachanga Boys.
Ça, c’était avant mercredi.
Avant que je m’aperçoive que pour se foutre dans la merde, on pouvait toujours compter sur Marine-du-passé.
(Toute l’histoire est vraie hein, je suis pas là pour écrire des conneries. Par contre, est ce que j’ai pris quelques libertés dans la forme narrative et le nom des protagonistes ? Dieu seul le sait, et il m’a dit de vous prévenir : c’est oui.)
Mercredi je suis donc de retour au bureau. Avec mes lunettes et mon café, on dirait Thora Birch dans Ghost World en mode corporate, remplie comme une bonbonne sexy du bon air pur de la montagne Suisse.
Mon téléphone sonne. Comme je suis un peu conne et que j’ai 37 ans, je réponds.
- “Allo ?”
- “Bonjour, ici le commissariat de Q. Je me permets de vous appeler car nous avons retrouvé votre numéro dans le portable d’une personne actuellement sous le joug d’une enquête”
Merde.
- Vous connaissez un certain Monsieur M ?
- Non ça ne me dit rien. Peut-être un téléphone volé ? Quel est son prénom ?
- “D.”
Merde merde.
- Oui. C’est quelqu’un que j’ai fréquenté il y a quelques années.
- Fréquenter comment ?
- T’es assis, Patrice de la Police ?
Décembre 2021 je me motive à retourner sur les applications de rencontre, ce que je fais tous les 2 mois parce que dans la vraie vie j’y arrive pas et je n’ai pas le temps. Je dirige un média qui me prend toute ma force vitale et mes bons moments. Je me suis inscrite sur Bumble et un garçon très beau bien que chauve (oh c’est bon on rigole les calvitiens, buvez de l’eau) me propose un café. Pourquoi pas ? Le type me donne rendez-vous à Montparnasse quelques jours plus tard.
Il est en retard mais finit par arriver. Il a l’air sérieux, a un chouette boulot, voyage beaucoup, est passionné, est gentil. On parle de tout et de rien, et en conclusion, pour un premier café, c’est pas mal chouette, bien que dans le sud de Paris (c’est bon les gens du 14eme arrondissement, on rigole, demandez aux calvitiens de vous passer la carafe.)
On se revoit pour un deuxième date un peu plus tard dans la semaine, en soirée. Le gars est toujours très beau et adorable, mais commence à beaucoup parler. Dans le lot, il se met à raconter des trucs qui pourraient être écrits par la meuf de Twilight. Genre on dirait le scénario du truc des voisins sur TF1 pas très bien joué. Je ne dis pas que dans la vie il peut arriver des trucs chelous, COMME PAR EXEMPLE RECEVOIR UN COUP DE TELEPHONE DE LA POLICE UN MERCREDI, mais là, ça fait beaucoup. Un de ses potes était joueur de foot pro en Angleterre, et il aurait découvert que ce n’était pas ses enfants mais ceux de son père qui avait drogué sa femme à son insu, et des trucs encore plus fous, des vertes et des vraiment pas mures. En vrai, c’était dingue, et je voyais pas pourquoi il me racontait ça autour d’un super cocktail au Basilic. Mais pourquoi pas, je me disais,
PARCE QUE J’ÉTAIS MARINE-DU-PASSÉ ET UN PEU IDIOTE, que si ça se trouve, c’est vrai, on sait jamais, le bénéfice du doute tout ça.
On finit par quitter le bar et se retrouver au Mac Do, pour ensuite se rouler des pelles entre deux frites dans une Audi toute neuve où le tableau de bord affiche son prénom. C’est sympa, un peu à l’américaine, on roule pas assez de pelles dans les voitures à Paris, moi je vous le dis. Je décide quand même de rentrer chez moi solo, sans qu’il me dépose. Une intuition. Ça fait quand même beaucoup d’informations et, franchement, ya un truc qui pue autour de lui qui n’était ni les frites, ni son Audi. Il y avait même un petit sapin odorant donc bon.
Le lendemain je pars dans le sud pour les fêtes de fin d’année et le type continue de m’envoyer des messages, des trucs mignons, plein de photos, mais encore une fois, il me narre des choses qui ne tiennent pas la route. Petite astuce pour tous les mythomanes qui lisent cette newsletter : ne datez pas des gens habitués à stalker et à fouiner, en fait, comme la police et/ou les journalistes. Déjà on a une bonne mémoire et on relève les incohérences, ensuite, si avec tous les éléments que tu nous as filé sur toi on ne trouve RIEN sur internet, c’est que soit : tu as des trucs à cacher et c’est inquiétant, soit tu as menti et c’est encore pire.
D. continue de me noyer sous les messages et s’engouffre dans une mélasse de conneries lunaires. Là, POUR LA PREMIÈRE FOIS de TOUTE MA VIE, je me dis que ça va pas le faire. Est ce que ça aurait pu être utile quand j’ai daté tous les autres cocaïnomanes/mythomanes/sacs à merde de ma vie ? Oui. Mais là, les red flags s’accumulent plus qu’un destockage dans une usine de drapeaux “baignade interdite”. Je coupe court à la conversation en lui disant que je pense qu’on va s’arrêter là. Le gars semble pas s’en inquiéter plus que ça. Bah excuse moi Gérard, t’étais à donf ou t’étais pas à donf ? Faut savoir. Il disparait sans demander son reste. L’histoire me laisse une impression un peu poisseuse recouvrant mon corps de déesse. Mais bon, je n’ai pas le souvenir d’avoir pris des risques majeurs et puis j’ai pas pu choper de MST….
Attend Patrice de la Police, c’est pour ça que tu m’appelles ? C’est parce que il a refilé des maladies à toutes les meufs qu’il a daté ?
-”Alors votre histoire était pas mal longue et j’ai encore beaucoup d’appels à gérer mais non. Il est inculpé d’escroquerie.
- EUH PARDON
- Il se mettait en couple avec des femmes rencontrées sur les applications et leur piquait de l’argent.
- EUH PATRICE QU’EST CE QUE TU DIS ? COMBIEN ?
- Des toutes petites sommes pour que ça reste discret, mais bon il l’a fait à une trentaine de victimes quand même.
- HEU RÉPÈTE UN PEU ?
Je m’étouffe avec mon café. Là j’ai plus l’air de Thora Birch, j’ai l’air de Kate Winslet qui vient de se prendre l’iceberg dans Titanic.
Je sais plus quoi dire à Patoche. Il m’a soufflé. Plein de choses viennent dans ma tête. Est ce que j’ai une tête de pigeonne à qui on peut la faire à l’envers ? De vieille meuf thunée qui serait tellement flattée de dater un BG qu’elle lui filerait sa carte bancaire, son code et son livret A les yeux fermés ? Bordel, ça y est, j’ai un physique de Sugar Mama ? Pourquoi je pense ça alors que ya une trentaine de meufs à qui c’est arrivé et que ce sont pas des pigeonnes ? Il est où mon féminisme pour toutes des victimes de cette grosse merde sexy ? Et bordel qu’est ce qu’on fout toutes sur ces applications de merde en attendant de trouver une personne magique pour finir 99% du temps sans nouvelles, sans dignité et dans ce cas particulier, sans putain de money ?
- “Madame, je n’ai pas la réponse et encore une fois, j’ai encore beaucoup d’appels à passer. Je peux prendre votre identité ? Et vous me confirmez, vous êtes sure qu’il ne vous a rien volé ?”
Je ne crois pas Patrice. A part, un peu du maigre espoir que j’avais dans l’amour, mais bon je suppose que tu vas pas mettre ça dans ta déclaration.
Patrice me répond que non, et me souhaite une très bonne journée. Je me presse de raccrocher et me demande si je supprime toutes mes applications. Marine-du-passé me dit “on ne sait jamais”. Marine du présent rempile avec mon aigreur pour une nouvelle saison.
Dis, ami lecteur, t’aurais pas plutôt un pote à me présenter ?