Avec mon sac à dos Desigual de trentenaire sur le dos, ça fait quelques jours qu’en rentrant du travail, un pas après l’autre dans la rue Boulanger, je me demande ce que je vais bien pouvoir te raconter, ami lecteur. Et franchement, à part ma vieille croute sur le genou que je me suis faite en me boitant lamentablement devant chez Y. à 23 heures à Aubervilliers, je n’ai pas grand chose à te dire.
En vrai, j’ai pas envie de dire grand chose à grand monde, parce qu’en ce moment,
Je me trouve drôlement conne.
Attention hein, je suis cultivée et tout hein en plus d’avoir de très beaux yeux, mais si on devait me demander si j’ai une certaine intelligence décrite comme intrapersonnelle, c’est à dire celle de se connaître soi-même, je suis un homme cis hétéro qui découvre l’existence du clitoris.
Une vraie bouffonne.
C’est quand même navrant de connaître tous les bails de la littérature française du XIXème siècle et l’intégralité des exs de Kim Kardashian et de pourtant pas retenir qui je suis ou encore ce que je veux dans la vie.
Je veux une relation sérieuse avec plein de Marine Junior qui courent un peu partout dans une belle ferme rénovée avec un mec brillant et optimiste ? Je swipe à droite des losers avec des tablettes de chocolat et un pantalon de jogging ras la teub qui mettent dans leur bio “je sé pas se que je cherches” et qui me racontent qu’en ce moment ils fréquentent cinq meufs. J’aimerais te dire que j’ai inventé cette anecdote pour la newsletter mais tu le sais, tout est vrai : le type m’a ensuite engueulé parce que je lui faisais perdre son temps vu que je comptais pas le voir. MAIS QUAND ? J’ai aucun créneau pour croiser mon esthéticienne et toi t’as le temps de côtoyer CINQ PERSONNES ? Mais qui gère ton emploi du temps ? Un entrepreneur connard avec un bonnet qui couvre pas les oreilles et qui se nourrit au Feed parce qu’il a pas le temps de manger ? Bordel.
Je veux avoir des plages horaires libres pour prendre soin de moi ? J’accepte des trucs à côté de mon boulot (qui me prend déjà pas mal de mes journées) et qui font que je dois bosser midi et soir. Encore du temps libre le weekend ? Je lance une newsletter que j’écris tous les dimanches, ON SAIT JAMAIS, HEIN, JE POURRAIS AVOIR ENVIE DE RIEN FOUTRE ET DE PROFITER DU TEMPS QUI PASSE.
Je voudrais être en forme ? Je bois des bières presque tous les jours et je renonce chaque matin ET chaque soir à aller à la salle QUE JE PAIE CHAQUE MOIS. Est-ce que je me balade néanmoins tous les jours avec mes affaires de sport ? EVIDEMMENT. PARCE QUE JE ME CROIS. COMME UNE DÉBUTANTE. Ma prochaine étape c’est surement des perfusions de Whisky premier prix volé au Aldi et un gressin au saindoux dans chaque narine.
A 37 ans, il y a une petite voix de merde qui fait que mal me conseiller, comme une vendeuse dans une boutique chère qui me dirait “non mais le tissu va se détendre” alors que le bouton est chez mon pote Loïg à Quimperlé et la boutonnière à Strasbourg chez ma pote Florence. Une petite voix menteuse et fourbe, qui me brosse tout le temps dans le sens du poil et que j’ai appelé Brenda. Je la déteste. Pourtant, dans le même mouvement débile, je la crois. Je la crois quand elle me murmure “ah bah lui peut-être il sera pas comme les autres, on sait jamais, faut tenter”, “non mais je suis sure que ce soir tu seras motivée à faire de l’elliptique, oublie pas tes chaussettes, et puis au pire, peut-être demain ?” et “non mais avec des talons et une ceinture, je suis sure que tu peux le fermer le pantalon, là c’est ptet parce que t’as bu un coca avant non ? Tu es juste un peu gonflée”
Mais en ce moment ça atteint des sommets. Brenda me passe tout et elle me fatigue. Et j’en ai marre d’être conne. Genre vraiment. J’ai une frustration qui n’a jamais été aussi forte. Alors j’ai pris les devants et j’ai décidé de la virer. Sans prendre de gants. Brenda a fait ses cartons ce weekend et on n’a pas prévu de la rappeler. A la place ? J’ai promu une facette que je ne connais pas trop mais à qui je fais confiance les yeux fermés : Caporal Riri, un trait de ma personnalité pas aimable mais qui ne me balade pas. Il n’y a que lui qui prend actuellement la parole dans mon petit cerveau malade, les autres ont juste le droit de fermer leurs gueules. Il me dit ce que je dois faire et quand. Souvent c’est ici et maintenant. Pas le choix. Et pas le droit de tergiverser. Je dois délivrer.
Résultat ? On est dimanche. J’ai tout nettoyé chez moi, j’ai fini la V2 de mon projet, l’écriture de cette newsletter, et je suis allée courir 8 kilomètres ce dimanche. Bordel, ça file droit, je te dis que ça.
Merci qui ?
Merci Caporal Riri.