J’adore les comptes à rebours. Je trouve que ça met du piment dans la vie, un peu comme enchérir vraiment bas sur Vinted ou envoyer un message un peu tard le soir qui peut se comprendre à double sens à un ex sympa. J’ai un site pref pour ça (non pas pour envoyer des messages à son ex, ça vous avez son 06 ou son instagram, c’est assez simple, demmerdez-vous) : c’est ephemeride.com qui calcule le temps entre deux dates.
Ça transforme le quotidien en un épisode de la série 24h que ma mère adorait. Joie, on n’a même pas à se taper Kiefer Sutherland qui a vraiment l’air du type qui te colle quand le club ferme. Le même qui te hurle “roooh ALLEZ VIENS PRENDRE UN SHOT” dans l’oreille quand tu essaies de lui dire que non, c’est bon, il sent le Houblon, un peu le pipi, et qu’il faut vraiment que tu rentres chez toi parce que le Uber est là.
Du coup j’ai décidé vendredi de compter combien de jours il me restait avant mes 40 ans. C’est un anniversaire important, 40, c’est le moment idéal pour faire sa crise, de passer une vitesse si on veut une descendance, un gros pouvoir d’achat et surtout, un sens à sa vie. Et ça tout le monde semble s’en être rendu compte. Sauf moi.
Il y a plus d’un an en novembre, après avoir manifesté contre les violences conjugales avec les rares féministes de gauche que comporte le département des Alpes-Maritimes, je suis allée boire un verre avec mon ami M, que je n’avais pas revu depuis 2005. Identique à lui-même, aussi beau que gentil, mais plus serein, j’étais impressionnée de voir que le type super que j’avais connu habillé en Delaveine avait déjà une vision à long terme de sa vie jusqu’à sa quarantaine : l’ouverture de son restaurant, une vie plus posée, peut-être même une famille. Interloquée (et un peu bourrée), je me suis rendue compte d’un truc : de mon côté, je n’avais pas réfléchi jusque-là.
Quand j’étais jeune, je n’avais qu’un rêve. Monter à Paris et me casser de chez mes parents, avoir un travail où l’alcool est gratuit et où je peux faire le plein de potins. Maintenant que tout cela avait été fait, refait, et encore fait jusqu’à l’ennui, jusqu’à la lie même, qu’est-ce que je désire vraiment ? Quelles sont les nouvelles étapes que je souhaite franchir avant mes 40 balais ? Comment j’envisage l’avenir ?
Les petits potes, ephemeride.com a parlé : il me reste environ 950 jours pour le savoir et mettre en place des choses, comme les gens qui ont la fibre entreprenariale et qui font des “vision board”. Félicitations à vous de savoir ce vers quoi vous vous dirigez : je n’ai pas la réponse et je suis terrorisée.
950 jours. Ça semble énorme et rien du tout. Je suis dégoutée parce que j’aurais trop aimé que ça tombe sur 1000 mais bon fallait que j’ai une révélation il y a cinquante jours, ce qui ne m’est pas arrivée : j’étais trop occupée à faire des dates nuls avec des types qui comprenaient pas pourquoi je voulais pas coucher avec eux.
Qu’est ce que j’attends de la vie ? C’est quoi mon objectif ? Plein de minis-Marine avec des diarrhées verbales, de grands yeux bleus et un sens du style incomparable ? Un Goncourt traduit dans 46 langues ? Une maison dans le quartier de la Mouzaïa avec un type qui est directeur créatif dans une grosse boite de pub et qui m’emmène visiter tous les pays ? Une ferme en Provence sans aucune connexion internet pour que personne ne vienne me faire chier et que mes journées consistent à me balader avec un air mystérieux en chantant de vieux morceaux de Nicoletta avec mon panier en osier ?
J’en sais rien, et ça m’inquiète. Est-ce qu’il faut un but dans la vie ou peut-on être ouverte à tout ce qui se présente (oui, allez y, vous pouvez jouer à “titre”, cette phrase le mérite). Peut-on tout affronter un jour après l’autre ou faut-il absolument raisonner avec des plans à court, moyen et long terme ? Ça m’intéresse. Répondez-moi. J’ai 950 jours de mon côté pour savoir où je vais et ce que je fais. Et je crois pas que la réponse soit “glander sur mon canapé avec une grosse culotte en gueulant du Nicoletta”.
Enfin peut-être.
De toute façon, comme dirait René, je sais que je ne sais pas.
Je pense que de plus en plus de personnes aujourd'hui se posent ces questions. Alors certes c'est déstabilisant et ça fait peur de pas vraiment savoir où l'on va, mais à l'inverse, ne serait-ce pas l'une des plus belles formes de liberté et d'excitation que de ne savoir de quoi sera fait demain ?...