Le gris m’enveloppe, il m’étouffe, il m’enferme. Cette couleur de l’enfer, qu’on a présenté comme la fière représentante des millenials, cette aberration visuelle qui s’affiche partout a décidé de se positionner comme la seule météo envisageable de ces trois derniers mois.
Je suis en train de craquer.
Je hais le gris. Le gris il voterait, il mettrait son bulletin dans l’urne pour la République en Marche, il circulerait en gyroroue avec une doudoune sans manches achetée chez Uniqlo, un chino bleu Marine et en vapotant des puff à la fraise qu’il jetterait ensuite par terre. C’est une couleur d’opportuniste, de flemmard, d’ailleurs pourquoi je dis que c’est une couleur ? c’est une non-couleur. C’est l’absence de tout ou le mélange de rien. C’est la couleur des canapés des gens qui veulent pas choisir, qui pensent qu’on peut faire des compromis sur tout, même sur la joie, même sur le goût. C’est la nuance des cendres de tout ce que tu as aimé, la teinte des cheveux qui hésitent encore entre “t’es jeune” ou “t’es vieux”.
Merde au gris.
Doigt d’honneur mental au gris.
Ya que mon père dans les années 70 qui devait trouver ça assez cool pour lui dédier une chanson.
Comme Gérald Darmanin ce temps il faut qu’il démissionne, il me donne l’impression d’évoluer dans un épisode en noir et blanc des années 50 où on croit encore en la punition corporelle. Moi depuis le changement d’heure mon coeur il est au printemps, il est même en été, en train de se dorer la pillule sur une des avancées d’une plage de St Tropez. Il rêve de paniers en osiers et de robes en vichy rose avec un décolleté jusqu’au nombril qui tient par un miracle. Mon coeur, il veut partir en weekend dans le sud, pas celui du Pays Basque, non, l’autre, et boire des cocktails dans des coquillages. Il a envie de tout planter là, le travail, mon quotidien, ma vie, Paris, de prendre un billet sans retour pour Juan Les Pins pour me faire piercer le nombril et y mettre un petit lapin Playboy en strass et me transformer en bimbo.
J’aime trop les bimbos. J’aurais pas peur de prendre des risques et du regard des autres, c’est ce que je serais. Même à 37 ans. J’irais au Jacques Dessange du village de papa Normand, je me mettrais des extensions blond blanc, je me remonterais les boobs au niveau de la glotte et je me baladerais avec un sac Fofo Panel acheté en douce au marché de Vintimille. Pas d’expositions dans des centres d’art contemporain le weekend mais des douches au Champagne achetées par des types qui luisent sur des plages privées pendant que passent des remixs éclatés de DJ Snake.
Laisser des traces de gloss sur les cols de mecs que je veux pas revoir, avoir le cul qui dessine en marchant un huit à l’horizontal, le signe de l’infini, tellement il balance à cause des talons. Je veux manger des salades à vingt balles dans les petites ruelles des vieilles villes du sud et avoir tous les potins du voisinage. Sentir la vanille, le Monoï et un autre truc qui file mal à la tête. Faire encore des tests de personnalité sur Facebook. Porter de la dentelle, Laisser des traces de mon autobronzant sur chaque objet blanc que je touche. Insulter en hurlant les connards qui se permettent de déranger les meufs dans la rue. Ptet même leur filer des coups de sac Fofo Panel.
Aller au boulot, aller à la plage, aller faire la fête.
Avoir oublié hier et de pas me préoccuper de demain.
Toute ma vie, avec ma passion pour l’écriture et les gros connards toxiques, j’ai cru être une Carrie de Sex and the City mais en vrai je veux être une Samantha. Je veux être vieille avec un gros pouvoir d’achat, porter des décolletés, être maquillée, vivre à LA et avoir tellement la confiance que tout m’effleure et rien ne me touche. Faire ma vie pour moi, pas parce que j’ai peur de la réaction de mes proches. Vivre derrière des lunettes de soleil strassées et avoir le bruit de mes bracelets qui tintent à chaque fois que je parle trop fort, c’est à dire tout le temps. Porter du doré et ne penser qu’à bronzer.
J’en peux plus de mon quotidien qui ressemble à un épisode de The Office avec le même code couleur.
Je mérite une saison entière de Sous le Soleil dans le rôle de Bénedicte (désolée c’était ma pref, elle avait une super maison), le sourire de Gregory Fitoussi et de faire les choeurs sur Place des Lices au soleil.
Franchement, il n’y a que peu de choses qui me retiennent pour ce changement radical de vie :
- J’aime pas porter du lin
- C’est trop près de chez mon père
- Mon chien tiendra pas la chaleur
- Je veux pas vivre dans un département gouverné par Eric Ciotti.
Mais sinon, bordel.
Libérez moi du gris.
Libérez moi de Paris.
Un véritable plaisir de découvrir à chaque fois ce que ta plume va nous cracher à la gueule. Subtil mélange de cinisme, de jemenfoutisme et d'amour inconditionnel de la vie. Jouissif.